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LIVRE DE REFERENCE : Conduire le système de pâturage tournant dynamique...
Publié le : 07/12/2018 19:07:27
Catégories : Articles de fond
Pensez-vous vraiment qu'on puisse faire pousser une forêt-jardin produisant une abondance de fruits, de légumes, d'aromatiques et de champignons ?
Mais... euh, une forêt !?! Vraiment ?
Les permaculteurs savent bien ce qu'est un jardin-forêt (ou forêt-jardin, ou forêt fruitière, ou forêt comestible, etc.)
Mais pour le néophyte, est-ce qu'une "forêt" peut laisser imaginer une abondance de fruits ou de nourriture ?
J'en doute un peu...
Le terme forêt renvoie à une plantation d'arbres relativement serrés, formant de leurs hautes branches une voûte verte tamisée magistrale. Je mettrai un bémol à ces quelques mots, car une forêt peut aussi être une jungle impénétrable pleine d'épines hostiles à l'homme. Si si ...
Mais bon, nous les Homo sapiens, ce qui nous intéresse, c'est d'assurer notre survie sur terre en répondant à nos besoins. Nos besoins en alimentation, notamment.
Depuis des lustres, les groupes d'Homo sapiens vivent de la nature, sans avoir eu véritablement l'envie de se mettre au turbin pour gagner leur croûte. Et ça tombait bien, car le travail, c'est la torture et non la santé (si si, vérifiez donc l'étymologie du terme !).
Au début, je peux imaginer que ces peuples qui vivaient en bonne harmonie sur Terre avec la nature, cueillaient leur nourriture lors de leur balade. Puis un jour ils se sont attardés un peu plus longtemps à un endroit qui regorgeait de nourriture (baies comestibles, fruit à coque, racines, salades sauvages, insectes...)
Et ils ont commencé à sélectionner les plantes qui étaient bonnes pour eux et ont délaissé, voir supprimé localement les plantes qui ne leur apportaient rien.
De cette manière, les peuples qui vivaient en forêt, ont lentement mais sûrement modifier la forêt autour de leur village pour qu'elle deviennent un peu plus nourricière qu'à l'origine.
Au fil des millénaires, ces forêts sont devenu des agroforêts, au sein desquelles la diversité fût rapportée à une poignée de plantes permettant d'assurer à la fois la fonction nourricière et la pérennité des cycles biogéochimiques. Oula ! un mot savant : cycle biogéochimique !
C'est pour différencier ces agroforêts des monocultures, qui sont incapables d'assurer les cycles de la matière, conduisant irrémédiablement à l'épuisement des ressources du sol, à son érosion ou à la pénitence de l'agriculteur, qui sera obligé de combler cette déficience par la science de l'agriculture chimique. Et bien entendu, en en payant le coût, qu'il soit financier, sanitaire ou environnemental.
Donc, maintien des cycles biogéochimiques veut dire = maintien de la fertilité et pérennisation de la fonction nourricière de ces forêts.
Connaissant les permaculteurs, j'en entend déjà m'interpeller : "Non ! pas une poignée d'arbre. Il en faut plein, un maximum de diversité ! C'est ça la permaculture !"
Alors je dis :
Mais il y a une différence majeure entre une forêt naturelle et une agroforêt : c’est l’action de l’homme. Il joue le rôle multiple :
L’homme gestionnaire d’agroforêt joue donc un rôle dans la rétroaction en sélectionnant les espèces judicieusement, en les remplaçant plus rapidement, en les soignant, en les entretenant.
Pour cette raison, une agroforêt est viable même si sa diversité spécifique est plus faible que dans une forêt naturelle.
Cela signifie-t-il qu’il faille concevoir nos forêts alimentaires avec peu de diversité ? Oh que non !
Cela veut simplement dire que la diversité n'a pas besoin d'être exagérément développée. Et si on regarde les choses dans l'autre sens : si la diversité est trop faible, il y a de fortes chances pour la dynamique de la nature essaie de combler les vides, dès qu'il y aura un petit espace avec lumière ou nutriments disponibles, une plante essayera spontanément de s'implanter)
Un système forestier naturel soutenable basique, comprend :
Un système agroforestier basique comprend :
et des choses supplémentaires :
On note qu’il y a quelques différences, alors pourquoi y aurait-il plus de plantes fertilisantes et d’espace entre les plantes dans une agroforêt que dans une forêt naturelle ?
La réponse est simple : parce que l’homme mange et commercialise les fruits de ces agrosystèmes.
Donc, pour maintenir la fertilité et la continuité des cycles biogéochimique, il faut trouver un processus de compensation, il faut fermer le cycle que l’on a ouvert.
De plus, commercialiser implique de produire du gros, du bon, du beau fruit. Traduction : produire plus que ce qu’un écosystème naturel donnerait.
Pour cette raison, il faut apporter aux plantes une ration supplémentaire de nourriture.
Les plantes ont besoin pour vivre :
Considérons l’eau et le CO2 comme suffisamment présent, il reste à agir sur la lumière et les nutriments.
Ces deux choses peuvent être traduite par le rapport C/N (carbone/azote).
L’azote est crucial pour la production, il est exporté par la vente des fruits et il est très mobile et facilement lixiviable, les pluies entraînent l’azote qui s’infiltrent dans le sous-sol et disparaît de l’agroforêt. Le cycle de l’azote est un cycle avec des pertes et des fuites.
Comme il est impossible de stopper ces pertes et ces fuites, nos systèmes doivent donc être bien achalandés en azote, c’est pour cette raison qu’on intègre des plantes fixatrices d’azote dans les agroforêts.
Mais qui dit rapport C/N dit que ce rapport doit être maintenu. Donc si on augmente le N il faut aussi augmenter le C (et en vrai, la meilleure stratégie sur le long terme pour avoir de l'azote, c'est d'augmenter les quantités de carbone - l'humus -, car la nature tend immanquablement à équilibrer le C/N)
Le carbone étant en fait le nutriment méga-abondant capté grâce à la photosynthèse, on conclura que c’est la lumière qu’il faut augmenter si on veut augmenter le carbone. C’est pour cela qu’on espace un peu plus les plantes dans une agroforêt par rapport à une forêt naturelle et qu’on “emboîte” les espèces les unes sous les autres, pour mettre à profit la tolérance à l’ombre de certaines plantes, sans compromettre la production.
Je m’arrête là pour les explications botano-théorico-techniques, car maintenant que vous savez tout ça, il ne vous reste plus qu’à passer à l’action :
BIEN SÛR QUE NON ! (... mais en fait si ! il suffit de planter des arbres)
C’est pour ça que je vous conseille la lecture de livres spécialisés, qui explique clairement la méthodologie, les stratégies et les techniques pour concevoir un jardin-forêt (des livres techniques sur les jardins-forêts, il y en a, mais des livres techniques sur les agroforêts... je ne crois pas !) et dans un autre article, je vous expliquerai la différence entre agroforêt et jardin-forêt, car il y a quelques différences culturelles. Pour faire simple : si vous êtes en climat tempéré, pensez jardin-forêt.
à suivre...